En vain, le jour succède au jour

J’avais attendu Hier avec un cocktail d’impatience, de joie, d’envie et d’excitation que chaque heure écoulée rendait plus fort. 

J’avais enfilé ma robe verte, des collants noirs et lâché mes cheveux bouclés, puis j’avais échangé cette robe que je trouvais finalement trop large contre une jupe violette et un haut cintré, avant de décider que je ne les aimais ni l’un ni l’autre et que je ne voulais de toute façon pas porter de collants, mais des bas, et que puisque je n’en avais pas, je mettrais un slim orange. J’avais ensuite attaché mes cheveux, parce que l’idée qu’il vous faille d’abord les défaire pour y glisser les mains me plaisait, et j’avais quitté l’appartement avec la pensée satisfaisante que j’y reviendrais en votre compagnie. 

J’avais fini les cours à 17h25 au lieu de 17h, c’est toujours quand il ne faut pas que les profs se mettent à bouleverser votre emploi du temps, et j’avais dû rentrer à pied parce que le bus était évidemment déjà passé. J’avais pressé le pas, presque couru pour vous rejoindre, mon impatience à son paroxysme, ne voulant plus attendre, ne voulant pas vous faire attendre. Je hais toujours la poignée de secondes qui nous séparent autant que je l’aime, parce que l’intensité et la richesse de mes émotions font alors que je me sens terriblement vivante.

J’avais attendu Hier, comme cela m’avait paru long, et Hier est déjà passé. Je ne saurais dire quel moment j’ai préféré : 

J’ai aimé celui de nos retrouvailles parce que c’est là que le réel a supplanté, pour quelques heures, le souvenir ; 

J’ai aimé celui où votre main s’est posée, pour la première fois depuis des jours, sur ma peau nue ;

J’ai aimé l’inconfortable dureté du carrelage et sa désagréable fraicheur sous mes genoux tandis que je me déplaçais à quatre pattes, reliée à vous par ce "cordon ombilical" rouge comme mes ongles, ma bouche, mes joues, mon collier, comme à peu près tout dans cette pièce en fait, car ma rétine ne semblait plus capable de me faire parvenir une autre couleur ; 

J’ai aimé la chaleur et la tendresse de vos bras lorsque vous m’avez câlinée, assise sur vos genoux, en me laissant vous embrasser ; 

J’ai aimé vous obéir sans avoir le choix ou bien sous la contrainte. Deux cas qui semblent à priori rigoureusement identiques alors qu’ils sont tout à fait opposés, puisque "sans avoir le choix" signifie pour moi "avec évidence" et l’évidence ne se choisit pas ;

J’ai aimé l’appréhension que m’a inspirée l’infime balancement des lanières du martinet que vous teniez à votre droite, comme une menace, et le sifflement de votre ceinture redoutable lorsqu’elle a glissé des passants. J’ai aimé sentir votre courroux et la conséquence directe de vos punitions que la honte m’incitait, sans succès, à vouloir dissimuler ;  

Enfin, j’ai aimé ces secondes fusionnelles, à la fois éphémères et immortelles. 

Hier est passé, Aujourd’hui s’achève et Demain s’annonce, mais rien ne nous efface. En vain, le jour succède au jour. 


 

Commentaires